Le portrait de D.H. Kahnweiler réalisé par Picasso, fait partie de la série des portraits cubistes où la couleur et le sujet tendent à disparaître.
C’est au moment où le processus de démolition de l’objet (jusqu’à le rendre presque méconnaissable) et d’abandon de l’intensité de la couleur arrive à son apogée que Picasso exige paradoxalement la présence d’un modèle (comme il l’avait déjà fait d’ailleurs avec Gertrude Stein).
D.H. Kahnweiler pose donc patiemment durant des heures face à un Picasso qui analyse la forme avec une telle intransigeance qu’on distingue à peine les traits à travers le croisement des lignes et des plans.
Le tableau est composé d’un ensemble de petites surfaces qui ressemblent à des arabesques en mouvement sur le plan vertical de la toile.
Romand Penrose le décrit ainsi : « Chaque facette semble vouloir s’éloigner de sa voisine comme s’il s’agissait de rides à la surface de l’eau. Le regard se perd parmi elles, relevant au passage, ici et là, des points de repère tels que les yeux, le nez, les cheveux bien coiffés, une chaîne de montre, des mains croisées ; mais il peut aussi se plaire à se mouvoir sur des surfaces qui sont d’une réalité saisissante, même si elles n’ont pas été conçues pour représenter le sujet de façon directe. L’imagination est mise en présence d’une scène qui, pour ambigüe qu’elle soit, parait indubitablement exister et, exaltée par la vie rythmique de cette nouvelle réalité, elle se livre avec plaisir à ses propres interprétations ».