Tout en appartenant au « cubisme analytique », La Femme en Chemise est éclairée par des tons ocre et pourpres qui ressortent sur la palette grise qui caractérise cette période. C’est l’un des exemplaires les plus marquants et les plus puissants d’ « art fantastique ».
Paul Eluard la décrit en ces mot : « La masse énorme et sculpturale de cette femme dans son fauteuil, la tête grande comme celle du sphinx, les seins cloués sur la poitrine, contrastent merveilleusement… le visage aux traits menus, la chevelure ondulées, l’aisselle délicieuse, les côtes saillantes, la chemise vaporeuse, le fauteuil doux et confortable, le journal quotidien » (P Eluard : A Pablo Picasso, Genève-Paris 1944)
Cette façon nouvelle et inquiétante de mettre en relation l’abstraction et la sensualité, les formes géométriques rigides et la douceur des évocations organiques s’appuie sur une composition qui se développe autour d’un solide pilier central en une espèce de mouvement enveloppant le volume du corps et servant de support aux éléments descriptifs
Ce dessin de Picasso semble annoncer la toile de la Femme en chemise. La jeune fille nue, dessinée de façon surréaliste, regarde l’étrange « personnage » construit sur la chaise, qui évoque les études et les dessins préparatoires du tableau. (Modèle et sculpture surréaliste. 1933)
Le schéma met en évidence la recherche de formes essentielles contenues dans une structure à l’architecture grandiose. Comme c’est souvent le cas dans la « vision » cubiste, la femme est représentée en même temps de face et de côté.
La technique : l’abstraction de la nouvelle synthèse formelle de l’artiste n’empêche pas certains éléments de la figure féminine d’être particulièrement réalistes. Picasso adoucit le triangle du visage par le motif ondulé des cheveux, le sein, vu à la fois de face et de côté, est rendu avec ironie et témérité, comme s’il voulait émousser l’érotisme de la composition ; il ne renonce pas, par contre, à la séduction des plis souples de la chemise décorée d’un ourlet festonné.